Le Cercle des Guerriers Disparus
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment : -45%
PC Portable LG Gram 17″ Intel Evo Core i7 32 Go ...
Voir le deal
1099.99 €

 

 Mort d'Une Nuit d'Hiver

Aller en bas 
3 participants
AuteurMessage
Cerim
Héritier d'Odin
Héritier d'Odin



Nombre de messages : 1308
Age : 34
Guilde : Aucune.
Date d'inscription : 28/06/2005

Mort d'Une Nuit d'Hiver Empty
MessageSujet: Mort d'Une Nuit d'Hiver   Mort d'Une Nuit d'Hiver EmptySam 17 Juin - 22:37

Ce n'est pas une version définitive, du moins, je le pense. N'hésitez pas à critiquer Smile

__________________

Il y avait dans l’air cette odeur âcre, alchimie improbable de sang, de sueur et d’urine. Ce parfum suffocant qui ne se crée qu’à un unique endroit.
La bataille.
Celle-ci avait étendue son ombre pesante des heures durant, sans que rien ne parvienne à l’enrayer. Nous tombions, mais notre chair déchue et mourante l’alimentait. J’observe mes compagnons, des visages que j’ai appris à connaître, à apprécier dans les étroites casernes d’autrefois. Je pense que jamais dans notre vie nous parvenons à mieux comprendre la nature humaine que lorsque nous la fréquentons au déclin de sa vie. Nous savions notre mort proche, et pourtant, nous repoussions cet instant fatidique, qui restait ainsi penché, lorgnant nos cadavres animés d’un œil lubrique et affamé. J’avais les mains moites de sueur, mais c’était principalement parce que ma blessure au bras ruisselait de sang. Le flanc percé, je m’appuyais à un froid créneau. Fermement, mes doigts étaient resserrés autour d’une lourde hache, arme que je tendais à préférer à l’épée. La hache est une arme d’attaque, avec elle la parade est minime. Mais ses coups lourds et déchirants sont plus efficaces, ou du moins, sont plus adaptés à mon style.

J’ai vécu seize printemps. J’aimerai en vivre seize de plus, tranquillement installé dans la ville qui m’a vu naître, avec à mes côtés Ambre. Ambre. Déjà trois mois que nous sommes séparés ? J’ai reçu sa dernière lettre il y a deux semaines. A l’époque, on avait encore le cœur à se moquer gentiment de moi. Certains avaient même prédit que je retrouverais ma tendre « pucelle » comme ils aiment à l’appeler, avant la fin de l’hiver. J’avais alors répondu, furieux et ardent, que la virginité d’Ambre ne regardait que nous. De fait, elle ne l’était pas, et j’ai pu m’en assurer de près. Mais aujourd’hui, mis à part quelques regards tristes et terrifiés, je ne captais rien.
Dans sa lettre, Ambre me disait qu’elle avait réussi à s’acheter une nouvelle robe, toute rouge, comme celle du jour de notre rencontre. Elle rougissait parfois en la portant, ses parents la jugeaient inconvenante et beaucoup trop courte. J’avais essayé de savoir quelle était la longueur de cette fameuse robe, qui décidemment m’intéressait de plus en plus.
Je n’ai pas eu la réponse. Avec un sourire sinistre, je me dis qu’elle viendra peut-être demain, c’est le jour des courriers.

Les coups contre la trappe reprennent. Des murmures agitent la troupe, le commandeur les fait taire. Il est serein, devant nous, planté comme une immortelle statut d’airain, nous laissant puiser de la force en lui. Il a toujours été un excellent commandeur. Nous sommes en haut d’une tour battue par les vents glacés que la saison impose. Je jette un œil par-dessus le mur, des corps en bas m’observent, du moins, je le pense. C’est ironique, car nous devions justement purger cette tour de tous ses occupants. Nous sommes parvenus au sommet, ivres de sang et animés d’une soif morbide. Nous nous sommes épanchés sur nos ennemis, ces ennemis haïs plus que tout. Le commandeur a tout de suite vu que c’était un piège. Trop tard. Déjà, les troupes ennemies remontaient bruyamment par le bas.

Je devrais faire le vide en moi, comme à chaque bataille. Purifier mon esprit de toute pensée parasite, et me consacrer au combat, boire et engloutir l’essence même de ma vie. C’est ça qui me pousse à la victoire. Je ne pense plus à ma vie, je ne pense plus à celui que j’étais, je deviens autre. C’est dans cette absence de sentiment que je trouve la victoire. Les lames me touchent, me blessent, mais je continue toujours. A ce moment là, je n’éprouve ni haine pour mes ennemis, ni amour pour mes alliés. Ils deviennent des intervenants, des ombres humaines qui me gâchent parfois mon oeuvre. Je pourrais les abattre eux aussi, si je ne conservais pas suffisamment de maîtrise de moi. Et après la bataille, je me déteste, je m’insulte, je vomi. Toujours. J’ai appris que c’est dans l’indifférence, l’acceptation de tout et de rien à la fois, que l’on puise la vraie force – celle qui nous fait vaincre. Elle est précieuse cette force, précieuse et dégoûtante. Dans ces moments là, je n’ai pas une seule pensée pour ma famille, pas une seule pour Ambre.

Mais aujourd’hui, je ne pense plus qu’à toi ma douce Ambre. Je pense à nos moments passés, à notre amour brûlant et passionné. Je me suis noyé en toi, et gracieuse tu m’as recueilli et aimé. Nos rencontres furtives, alors que tu tapais timidement à ma porte me manquent. J’ouvrais la porte, nous nous embrassions, et déjà nous départissions de nos vêtements devenus inutiles. Tu t’étendais sur mon lit, et alors que je te faisais l’amour, je voyais tes yeux sombres s’illuminer, briller d’une lueur rare. Tu murmurais mon nom de temps à autre, entre deux gémissements, et jamais il ne me parut plus beau, plus mélodieux qu’entre tes lèvres amoureuses. Le jour où je suis parti, mon fol esprit d’adolescent désirait t’enlever, et partir au loin, là où l’armée ne pourrait nous influencer. Mais tu m’as rappelé à la triste réalité.
Nous étions sur le pont, ce pont horrible où je t’ai vu pour la dernière fois, ce pont qui m’a arraché à toi comme un jardinier une mauvaise herbe. J’ai été l’un des derniers à monter, sous l’ordre impérieux du commandeur. Tu étais serrée contre moi, je prenais plaisir à sentir ta fraîche poitrine gonfler contre moi, me pousser timidement à partir. Mais de tes bras nus, tu me retenais délicieusement prisonnier. Jamais prison ne me parut si douce ! J’ai cherché à travers nos larmes entrelacées tes lèvres charmeuses. Et une dernière fois, je les aie goûté. Je me souviens toujours de leur saveur, sucrée et parfumée. Puis je suis monté dans le bateau, lâchant le cœur lourd ta pâle main.
J’ai versé ma première larme ici.

Les bouts de bois de la trappe explosent. Un téméraire rayon d’une morne et déclinante lune se reflète un instant sur une lame froide. Bientôt, ils seront sur nous. Les hommes s’agitent, un murmure souffle sur eux, leurs mains se resserrent. Je quitte l’appui du mur, grimaçant. Le sang s’écoule. C’est effrayant de voir sa vie qui s’enfuit bien malgré elle. Je n’essaye pas de la retenir, geste puéril. Non, déjà mes pensées s’égarent. Je cherche l’indifférence, cette terrible amante qui de ses ailes peut me protéger. Aujourd’hui, elle me délaisse. Elle murmure parfois, alors que mes doigts la frôlent.

- Profites de ta vie. Profite de ce qu’elle t’a apporté. Profites en une dernière fois. Dégustes la, dégustes la jusqu’à en être ivre. Car aujourd’hui, je ne puis t’aider. Car aujourd’hui, tu es trop amoureux pour cela.

Je souris. Là aussi, il y avait une douce ironie. Je vivais par amour. Et par amour, j’allais mourir. Je le savais aussi sûrement que si l’action était déjà passée. Demain, je recevrais peut-être une lettre, une complice en vélin de ma passion. Mais, je ne pourrais jamais l’ouvrir. Je sentis un sentiment oublié. Une larme me suppliait de la laisser s’échapper. Fuit, petite goutte, fuit, comme la vie qui déjà s’écoule. Mon départ avait débuté par une larme.
Il se finirait par une larme.

Les ennemis émergèrent. Ils étaient effrayants, mais je me dis qu’ils devaient penser la même chose de nous. Des adolescents étaient dans leur rang, des personnes qui en d’autres circonstances auraient pu être des amis, des camarades. Allons, il est trop tard pour ce genre de pensée larmoyante ! Mon commandeur lève sa main gantée, je m’avance. Sur mon visage, je ne parviens à retirer ce sourire doux, emprunt d’une triste beauté, d’un chagrin sans nom. Ambre. J’aurais tant aimé épouser tes lèvres une dernière fois. Mais, mon atout d’hier et devenue ma faiblesse d’aujourd’hui. Je ne puis ignorer ce monde, je ne le puis plus car tu y vis.

La mêlée s’engage, épaulée par des cris de guerriers furieux, terrifiés. Je frappe, et frappe encore, esquive avec peine, tombe à genoux, la bouche en sang. Lève toi, lève toi et frappe. Dans ma tête trop pleine, volent des images claires, des images belles. Elles occultent le paysage de mort qui m’entoure. Elles me sermonnent gentiment.

- Ce ne sont pas des images pour un enfant. Ce n’est pas la vie d’un enfant.

Bientôt, je devins aveugle dans un monde de couleurs. Je voyais mon Ambre rire, danser. J’aime quand elle incline sa tête, réprobatrice et pourtant souriante. Je lui vole toujours un baiser à ce moment là. Les voix continuent à murmurer, à bercer mon sommeil. Oui, je la sens cette épée qui me mord le flanc. Mais tu n’as pas arrachée mon cœur, monstre d’acier. Sourire aux lèvres, ma tête rencontre le dallage de pierre.

Une robe rouge, une robe rouge de sang et d’amour.
Revenir en haut Aller en bas
Cerim
Héritier d'Odin
Héritier d'Odin



Nombre de messages : 1308
Age : 34
Guilde : Aucune.
Date d'inscription : 28/06/2005

Mort d'Une Nuit d'Hiver Empty
MessageSujet: Re: Mort d'Une Nuit d'Hiver   Mort d'Une Nuit d'Hiver EmptyLun 19 Juin - 1:02

Révision. Ce sera sans doute la version finale d'ailleurs ^^

_________________

Lucas,

J’ai hésité à t’écrire. Il y a cette angoisse à chaque fois que je prends ma plume, que je pose quelques mots sur ce parchemin. Je me dis que c’est peut-être la dernière fois que tu verras mes mots, mon écriture. Et, je m’en veux de penser de telles choses, je n’arrive à me retirer de l’esprit que je te trahis. C’est peut-être le cas, tu crois pas ?
Je reste souvent dans ma chambre. Papa a mit une cheminée dedans, je suis sûre qu’elle te plaira, toi qui détestait te déshabiller dans le froid. Hier, alors que j’étais penchée à la fenêtre, j’ai eu envie de faire un tour dans les ruelles. Oui, je sais, tu n’aimes pas que j’y aille seule, mais il faisait tellement beau ! C’est rare en hiver. Je me suis arrêtée chez un marchand, tu connais peut-être, juste à côté de l’auberge ? Je ne sais pas, j’avais envie de rentrer, histoire de me changer les idées. J’ai trouvé une robe magnifique ! Elle est rouge, rouge comme les cerises le printemps. Plus encore que celle que je portais le jour où tu m’as volé le premier baiser d’une longue série. Je me souviens t’avoir fait la tête plusieurs jours durant d’ailleurs. Mes parents ne l’ont pas aimé du tout, ma robe, mais je pense qu’elle te plaira à toi. Ils disent qu’elle ne « sied pas à une jeune fille de mon âge, qu’elle est trop courte et qu’elle frôle le vulgaire ».
Enfin, il en faut peu pour les choquer.

J’espère que tu vas bien. Si ce mot à encore un sens là où tu es. J’espère que mes lettres t’aident. Je pense à toi, je n’arrive pas à dormir. C’est drôle, parce que les oreillers ont ton odeur. Quand tu reviendras, il sera peut-être temps de le dire à mes parents, non ? Je sais pas.
Je parle beaucoup de moi, je suis désolée. Je dois paraître stupide, alors que tu es dans la neige à risquer ta vie. Mais tu m’as demandé ça dans ta dernière lettre. Elle m’a fait très plaisir d’ailleurs ! Tu passeras le bonjour à tes amis ? J’espère avoir de tes nouvelles très vite. Ton sourire me manque. Tes petites phrases aussi, quoique j’en ai dis par le passé.

Je t’aime vraiment. Peut-être trouvera tu dans cette lettre un peu d’espoir ? Moi j’en ai. Je m’excuse encore, pour les tâches d’encre cette fois, déjà que je sais pas écrire à la plume, j’ai pleuré sur la moitié de la lettre. Et en essuyant, j’ai fais une trace énorme. Tu as dû le remarquer. En relisant, je m’aperçois que la lettre est un peu décousue.
Ne fais pas de bêtises, et reviens vite Lucas.

Je t’aime !

Je ne sais pas dessiner, mais c’est censé être la cheminée.
Juste à côté du lit. Tu n’auras plus d’excuses pour ne pas venir me voir mon Lucas.

Ambre.


*


Il y avait dans l’air cette odeur âcre, alchimie improbable de sang, de sueur et d’urine. Ce parfum suffocant que je n’ai jamais rencontré qu’en un seul lieu.
Le champ de bataille. Et la mort.
Celle-ci avait étendue son ombre pesante des heures durant, sans que rien ne parvienne à l’enrayer. Nous tombions, mais notre chair déchue et mourante l’alimentait. J’observe mes compagnons, des visages que j’ai appris à connaître, à apprécier dans les étroites casernes d’autrefois. Je pense que jamais dans notre vie nous parvenons à mieux comprendre la nature humaine que lorsque nous la fréquentons au déclin de sa vie. Nous savions notre mort proche, et pourtant, nous repoussions cet instant fatidique, qui restait ainsi penché, lorgnant nos cadavres animés d’un œil lubrique et affamé. J’avais les mains moites de sueur, mais c’était principalement parce que ma blessure au bras ruisselait de sang. Le flanc percé, je m’appuyais à un froid créneau. Fermement, mes doigts étaient resserrés autour d’une lourde hache, arme que je tendais à préférer à l’épée. La hache est une arme d’attaque, avec elle la parade est minime. Mais ses coups lourds et déchirants sont plus efficaces, ou du moins, sont plus adaptés à mon style.

J’ai vécu seize printemps. J’aimerai en vivre seize de plus, tranquillement installé dans la ville qui m’a vu naître, avec à mes côtés Ambre. Ambre. Déjà trois mois que nous sommes séparés ? J’ai reçu sa dernière lettre il y a deux semaines. A l’époque, on avait encore le cœur à se moquer gentiment de moi dans la caserne. Certains avaient même prédit que je retrouverais ma « tendre pucelle » comme ils aiment à l’appeler, avant la fin de l’hiver. J’avais alors répondu, furieux et ardent, que la virginité d’Ambre ne regardait que nous. De fait, elle ne l’était pas, et j’ai pu m’en assurer de près. Mais aujourd’hui, mis à part quelques regards tristes et terrifiés, je ne captais rien.
Dans sa lettre, Ambre me disait qu’elle avait réussi à s’acheter une nouvelle robe, toute rouge, comme celle du jour de notre rencontre. Elle rougissait parfois en la portant, ses parents la jugeaient inconvenante et beaucoup trop courte. J’avais essayé de savoir quelle était la longueur de cette fameuse robe, qui décidemment m’intéressait grandement.
Je n’ai pas eu la réponse. Avec un sourire sinistre, je me dis qu’elle viendra peut-être demain, c’est le jour des courriers.

Les coups contre la trappe reprennent, quelques copeaux de bois volent. Des murmures agitent la troupe, le commandeur les fait taire d’une main. Il est serein, planté comme une immortelle statue d’airain, nous laissant puiser de la force en lui. Il a toujours été un excellent commandeur. Nous sommes en haut d’une tour carrée battue par les vents glacés que la saison impose. Je jette un œil par-dessus le créneau, des corps en bas m’observent, du moins, je le pense. C’est ironique, car nous devions justement purger cette tour de tous ses occupants. Nous sommes parvenus à l’extérieur, au sommet, ivres de sang et animés d’une soif morbide. Nous nous sommes épanchés sur nos ennemis, ces ennemis haïs plus que tout. Le commandeur a tout de suite vu que c’était un piège. Trop tard. Déjà, les troupes ennemies remontaient bruyamment par le bas.
J’observe à nouveau la troupe. Ils exercent comme une fascination funeste. Certains sont agenouillés, le souffle court, la main contre leur torse ou leur bras, brisant l’écoulement de leur sang. Mais ce dernier baignait le sol dallé, et ruisselait le long des striures blanches. Le vermeil qui épouse la pureté, et qui à jamais la tâche et la souille.

Je devrais faire le vide en moi, comme à chaque bataille. Purifier mon esprit de toute pensée parasite, et me consacrer au combat, boire et engloutir l’essence même de ma vie. C’est ça qui me pousse à la victoire. Je ne pense plus à ma vie, je ne pense plus à celui que j’étais, je deviens autre. C’est dans cette absence de sentiments que je trouve la victoire. Les lames me touchent, me blessent, mais je continue toujours. A ce moment là, je n’éprouve ni haine pour mes ennemis, ni amour pour mes alliés. Ils deviennent des intervenants, des ombres humaines qui gâchent parfois mon oeuvre. Je pourrais les abattre eux aussi, si je ne conservais pas suffisamment de maîtrise de moi. Et après la bataille, je me déteste, je m’insulte, je vomi. Toujours. J’ai appris que c’est dans l’indifférence, l’acceptation de tout et de rien à la fois, que l’on puise la vraie force – celle qui nous fait vaincre. Elle est précieuse cette force, précieuse et dégoûtante. Dans ces moments là, je n’ai pas une seule pensée pour ma famille, pas une seule pour Ambre.

Mais aujourd’hui, je ne pense plus qu’à toi ma douce Ambre. Je pense à nos moments passés, à notre amour brûlant et passionné. Je me suis noyé en toi, et gracieuse tu m’as recueilli et aimé. Nos rencontres furtives, alors que tu tapais doucement à ma porte me manquent. J’ouvrais cette dernière, nous nous embrassions, et déjà nous départissions de nos vêtements devenus inutiles. Tu t’étendais sur mon lit, et alors que je te faisais l’amour, je voyais tes yeux sombres s’illuminer, briller d’une lueur rare. Tu murmurais mon nom de temps à autre, entre deux gémissements, et jamais il ne me parut plus beau, plus mélodieux qu’entre tes lèvres amoureuses. Le jour où je suis parti, mon fol esprit d’adolescent désirait t’enlever, partir au loin, là où l’armée ne pourrait nous influencer. Mais tu m’as rappelé à la triste réalité.
Nous étions sur le pont, ce pont horrible où je t’ai vu pour la dernière fois, ce pont qui m’a arraché à toi comme un jardinier une mauvaise herbe. J’ai été l’un des derniers à monter, sous l’ordre impérieux du commandeur. Tu étais serrée contre moi, je prenais plaisir à sentir ta fraîche poitrine gonfler contre moi, me pousser timidement à partir. Mais de tes bras nus, tu me retenais délicieusement prisonnier. Jamais prison ne me parut si douce ! J’ai cherché à travers nos larmes entrelacées tes lèvres charmeuses. Et une dernière fois, je les aie goûté. Je me souviens toujours de leur saveur, sucrée et parfumée. Puis je suis monté dans le bateau, lâchant le cœur lourd ta pâle main.
J’ai versé ma première larme ici.

Les planches de la trappe explosent. Un téméraire rayon d’un jeune soleil se reflète un instant sur une lame froide. Bientôt, ils seront sur nous. Les hommes s’agitent, un murmure souffle sur eux, leurs mains se resserrent. Je quitte l’appui du mur, grimaçant. Le sang s’écoule. C’est effrayant de voir sa vie qui s’enfuit bien malgré elle. Je n’essaye pas de la retenir, me refuse ce geste puéril. Non, déjà mes pensées s’égarent. Je cherche l’indifférence, cette terrible amante qui de ses ailes peut me protéger. Aujourd’hui, elle me délaisse, s’enfuit à mon approche. Elle murmure parfois, alors que mes doigts la frôlent.

- Profite de ta vie. Profite de ce qu’elle t’a apporté. Profite en une dernière fois. Déguste la, déguste la jusqu’à en être ivre. Car aujourd’hui, je ne puis t’aider. Car aujourd’hui, tu es trop amoureux pour cela.

Je souris. Là aussi, il y avait une douce ironie. Je vivais par amour. Et par amour, j’allais mourir. Je le savais aussi sûrement que si l’action était déjà passée. Demain, je recevrais peut-être une lettre, une complice en vélin de ma passion. Mais, je ne pourrais jamais l’ouvrir. Je sentis un sentiment oublié. Une larme me suppliait de la laisser s’échapper. Fuit, petite goutte, fuit, comme la vie qui déjà se consume. Mon voyage avait débuté par une larme.
Il se finirait par une larme.

Les ennemis émergèrent. Ils étaient effrayants, mais je me dis qu’ils devaient penser la même chose de nous. Des adolescents étaient dans leurs rangs, des personnes qui en d’autres circonstances auraient pu être des amis, des camarades. Allons, il est trop tard pour ce genre de pensée larmoyante ! Mon commandeur lève sa main gantée, je m’avance. Sur mon visage, je ne parviens à retirer ce sourire doux, emprunt d’une triste beauté, d’un chagrin sans nom, de la toute dernière insolence d’un adolescent. Ambre. J’aurais tant aimé épouser tes lèvres une dernière fois. Mais, mon atout d’hier et devenue ma faiblesse d’aujourd’hui. Je ne puis ignorer ce monde, je ne le puis plus car tu y vis.

La mêlée s’engage, épaulée par des cris de guerriers furieux et terrifiés. Je frappe, et frappe encore, esquive avec peine, tombe à genoux, la bouche en sang. Lève toi, lève toi et frappe. Je la sens cette épée qui me mord le flanc. Mais tu n’as pas arrachée mon cœur, monstre d’acier ! Sourire aux lèvres, mon crâne rencontre le dallage de pierre.
Dans ma tête trop pleine, volent des images claires, des images belles. Elles occultent le paysage de mort qui m’entoure. Elles me sermonnent gentiment.

- Ce ne sont pas des images pour un enfant. Ne regarde pas.

Bientôt je devins aveugle dans un monde de couleurs. Je voyais mon Ambre rire, danser, parler devant moi, pour moi et avec moi. J’aime quand elle incline sa tête, réprobatrice et pourtant souriante. Je lui vole toujours un baiser à ce moment là. Et toujours elle feint de résister. Les voix continuent à murmurer, à bercer mon sommeil. Je ne comprends plus leurs mots. Non, il ne reste plus qu’Ambre et moi, unis dans les ténèbres naissant. Il y a une tâche de couleur, un éclair qui me fait bondir. La pièce noire s’éclaire, un feu brûle dans un âtre brûlant, posé près d’un lit défait où demeure une féminine et rieuse silhouette.

Une robe rouge, une robe rouge de sang et d’amour.
Revenir en haut Aller en bas
Tralin
Combattant élitiste
Combattant élitiste
Tralin


Nombre de messages : 131
Guilde : C.C.C.
Date d'inscription : 14/05/2006

Mort d'Une Nuit d'Hiver Empty
MessageSujet: Re: Mort d'Une Nuit d'Hiver   Mort d'Une Nuit d'Hiver EmptyLun 19 Juin - 15:22

Bah voilà, rien à redire.

Pourquoi, je mets que celà, mais parce-que celà suffit. Si je le mets pas un sentiment amer de devoir corrigé sans un mot serait cruel, et des perles de larmes jailliraient des yeux hagards de Cerim. Tristounet
Maintenant, grâce à cette petite phrase qui pouvait interprêtée comme du "flood à Méril", un sourire resplendissant illumine son visage. Very Happy

Donc, ne jamais oblier de féliciter un travail bien fait, ni d'encourager un petit débutant afin qu'il progresse. Wink
Revenir en haut Aller en bas
Zartull
Héros Nordique
Héros Nordique
Zartull


Nombre de messages : 794
Guilde : Cercle des Guerriers Disparus
Date d'inscription : 03/07/2005

Mort d'Une Nuit d'Hiver Empty
MessageSujet: Re: Mort d'Une Nuit d'Hiver   Mort d'Une Nuit d'Hiver EmptyMer 21 Juin - 11:47

J'aime bien le "petit débutant" xD
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Mort d'Une Nuit d'Hiver Empty
MessageSujet: Re: Mort d'Une Nuit d'Hiver   Mort d'Une Nuit d'Hiver Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Mort d'Une Nuit d'Hiver
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Cercle des Guerriers Disparus :: Les Terres du Nord :: La Plume est plus forte que l'Epée-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser